mardi 31 mars 2015

Pépite cachée : Casablanca Driver


" Il était le témoin direct de l’histoire la plus incroyable que j’ai jamais connue, c’est l’histoire d’un type qui n’était ni fort, ni doué, ni grand mais persuadé qu’il allait devenir le plus grand boxeur de tous les temps […] Cette histoire c’est celle de Casablanca Driver. "

Cette phrase d’ouverture, prononcée par Dieudonné, résume tout à fait le film dont il est question aujourd’hui. Casablanca Driver, réalisé par (mais aussi avec) Maurice Barthélémy est une petite perle d’absurde et de non sens. Le film prend place dans les années 70 et nous brosse le portrait de Casablanca, un garçon très spécial s'exprimant dans un langage incompréhensible, mix improbable de français, d’espagnol d’anglais et de je ne sais quoi ! Casablanca se découvre très tôt une passion pour la boxe mais il s’avère malheureusement être un pitoyable boxeur…pourtant l’homme a un rêve : celui de combattre Jimmy la Renta le super champion de l’époque. Voilà pour le pitch ! Une sorte de Success Story décalée d’un boxeur raté qui a pour devise : "Todo Match !"


  Todo Match ! Todo Match ! Todo Match !

Le film a été tourné à la façon de "un jour un destin",  vous voyez le genre de reportage au titre racoleur qui raconte la vie d’une star : son ascension, ses déboires, ses échecs, sa renaissance ou sa mort…et bien c’est la même chose ici mais sans Laurent Delahousse. On est face à un faux documentaire qui mêle images d’archives, émissions télé, clips, fausses pubs, interviews et témoignages de proches. C’est particulièrement bien foutu et le travail de reconstitution de l’époque des 70's est également énorme : décors, vêtements, accessoires etc… le tout, même exagéré, nous plonge littéralement dans l'ambiance seventies, on s’y croirait presque. 

Côté casting c’est assez riche puisque pour épauler Maurice Barthélémy qui joue le rôle principal, on retrouve bien sûr Dieudonné dans une sorte d’ersatz de Don King (le célèbre promoteur de boxe américain), Isabelle Nanty en épouse au bout du rouleau, Alain Chabat en psy, Chantal Lauby et Sam Karmann (le fameux Emile dans La cité de la peur…) qui interprètent tous les deux les parents de Casablanca ou encore toute la troupe des Robins des Bois, présente pour le premier film de leur camarade. S’ajoute à eux plusieurs participations très sympas comme celle de Dominique Rocheteau, Plastic Bertrand, Christian Morin, Dominique Farrugia, Elie Semoun et plein d’autres. 



Avec tout ça, on part quand même sur de bonnes bases…et en plus elles sont plutôt bien exploitées. L’ex-Robin des Bois a livré un très bon premier film bourré d’humour avec de multiples références, et c'est bien mieux que la bouse Pas très normales activités qu'il nous a pondu il y a deux ans avec NormanAprès, il est vrai que Casablanca Driver n’est pas dénué de défauts : le concept du film s’essouffle par moment même s’il ne dure que 1h20 et l’humour très particulier en rebutera plus d’un, ce qui est compréhensible, d’ailleurs le film a fait un vrai flop en salle (à peine 31 218 entrées…). Le film a le mérite d’être original, c’est drôle, frais, décalé on a trop peu l’habitude de voir ce genre de comédie en France, c’est évident que ça ne plaira pas à tout le monde et c’est sûr que ça change de Bienvenue chez les ch’tis ou de Camping mais si vous aimez l’humour con, loufoque et absurde je vous le conseille, en plus c’est un des derniers rôles de Dieudo au ciné avant ses excès de quenelles...donc bon pourquoi s'en priver ? 



NB : Ce genre d’article appelé "pépite cachée" sera consacré à des films ayant eu peu de succès mais qui sont, à mon sens, de qualité ! J’essaierai d’en publier le plus régulièrement possible.

lundi 30 mars 2015

American Sniper : Un chef-d'oeuvre au relent de propagande ?


La semaine dernière c’était le Printemps du Cinéma, un pote m’avait donc proposé d’aller au cinoche pour qu’on se mate deux films: American Sniper et Birdman tous deux nominés aux oscars. Je dois dire, qu’avant même la cérémonie, j’étais très emballé à l’idée de voir le second (d’ailleurs je n’ai pas été déçu, je lui consacrerai un article très prochainement, en attendant foncez le voir !).En revanche le dernier Clint Eastwood (Clitis Woude comme on dit par chez moi) ne me tentait pas des masses. Déjà parce que les films de guerre ce n'est pas ma came et en plus parce que le film se retrouve au cœur d’une vive polémique. American Sniper étant décrié comme une vaste propagande pour le parti Républicain et pour l’armée américaine. Qu’en est-il vraiment ?


American Sniper est l'adaptation de l'autobiographie éponyme de Chris Kyle, connu pour être le sniper le plus redoutable de l'histoire militaire américaine. Il revendique avoir tué 255 personnes durant la guerre en Irak, sur ce chiffre, 160 sont confirmés par le Pentagone, ce qui fait quand même un sacré paquet de macchabées. Le livre est un best-seller aux Etats-Unis, autant dire qu'il n'a pas fallu longtemps pour qu'Hollywood pointe le bout de son nez.

Notons tout d'abord que l'acteur Bradley Cooper livre une interprétation tout à fait correcte du tireur d'élite. Sa nomination à l’oscar du meilleur acteur est loin d’être scandaleuse même si ce n’est pas non plus la performance du siècle (bon certes, j’ai vu le film en VF, mais je ne pense pas que ça remette totalement en cause mon jugement). 


Maintenant passons à la réalisation : c’est très bien fait, c’est bien monté, c’est efficace, il y a des scènes assez prenantes, c’est du Clint Eastwood, le mec sait filmer et c’est pas mal du tout...mais voilà, on ne va pas se le cacher plus longtemps, du film émane une odeur un peu nauséabonde. On connait (quasiment) tous les opinions politiques du vieux Clint, on sait que c’est un pro-républicain mais jusque là, je dois reconnaître que dans ses films (du moins, ceux que j’ai vus) il prenait assez de recul, il n’avait pas de mauvaises intentions, j’ai adoré Gran Torino et Mystic River par exemple, mais dans American Sniper c'est clairement maladroit. A mon sens le plus gros point noir c’est le traitement accordé à la psychologie du personnage. L’impact de la guerre sur un homme, qui a quand même tué plus de 250 personnes, n’est pas assez travaillé, on ne fait qu’effleurer cet aspect. Il y a bien quelques scènes qui tentent de nous montrer l'esprit torturé de Chris Kyle : comme celle où, revenu d’Irak, il est prêt à défoncer un chien qu’il croit dangereux pour son fils, alors qu’il n’en est rien. On ne ressent presque jamais le traumatisme lié à la guerre, ce n’est pas dû au jeu d’acteur mais simplement à un parti pris de Clint Eastwood. Il glorifie trop le culte de la guerre et ne l’éreinte que trop rarement, l’armée américaine est presque sur un piédestal. 

On est vraiment très loin d’éviter les clichés, c’est très manichéen, les militaires américains sont les gentils et la grande partie des irakiens sont les méchants, ils tuent, ils sont cruels, c’est comme ça, un point c’est tout ! Mention spéciale à Mustapha le sniper syrien, traité dans le film comme le « rival » de Chris Kyle.


Hmmm ça me rappelle un film d’ailleurs, mais lequel ? Ha...merde je trouve plus le nom...c'est...c'est...

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Ha oui voilà !

Autre chose qui m’a fait tilter c’est les propos tenus  par le père de  la "légende"  (appelons le comme ça, puisque c’est comme ça qu’il est dépeint tout le long) en début de film, alors qu’il est enfant :"Il y a trois types de gens dans ce monde: les moutons, les loups, et les chiens de berger. Certains préfèrent penser que le mal n’existe pas dans le monde. Et si un jour ils étaient directement menacés, ils ne sauraient pas comment se protéger. Ce sont les moutons. Et puis tu as les prédateurs. Ils utilisent la violence pour intimider les autres. Ce sont les loups. Et puis il y a ceux qui sont bénis par le don de l’agression et un besoin écrasant de protéger le troupeau. Ils sont une race rare qui vit pour se confronter avec les loups. Ce sont les chiens de berger. Et dans cette famille, on n’élève pas de mouton".

Wow... plus réac tu meurs !
C'est vrai quoi ! On est pas des pédés, bordel de merde ! Allez mange ton bœuf fiston !

Et puis il y a cette fin…mon dieu quelle fin…si vous n’étiez pas au courant, Chris Kyle a été abattu le 2 février 2013 par un vétéran de guerre affecté du syndrome de stress post-traumatique. Le sniper avait essayé de l’aider en l’amenant dans un stand de tir pour tenter de soigner ses troubles. Mauvaise idée.
Ce moment est évoqué dans le film mais jamais montré, Clint Eastwood  préférant nous balancer des images d’archives qui font littéralement basculer le film dans l’hommage dégoulinant, si vous aimez les drapeaux américains, vous allez être servis !


Sérieusement, on sait qu’American Sniper est l’adaptation de l'autobiographie d'un homme vraisemblablement dérangé, qui se prenait pour un guerrier sain et qui pensait que la violence était nécessaire pour résoudre les problèmes. Pourquoi ne pas avoir pris plus de recul ? Son bouquin est édulcoré,  c’est évident ! Au lieu de l’adapter bêtement il aurait été plus intelligent de creuser plus profondément la question des troubles liés à la guerre. Là on a juste droit à un film hommage posthume, sans réel fond, qui célèbre son héros.


Au final, on se retrouve avec une oeuvre ambivalente : un film de guerre bien réalisé, bien interprété mais qui délivre un message foireux pro-républicain, très conservateur, à l'image de Clint Eastwood, qui n' a pas su se montrer neutre pour le coup, cela aurait pu lui porter préjudice...et pourtant non, le film cartonne un peu partout dans le monde et il est devenu le plus gros succès du réalisateur. Va comprendre…


mardi 24 mars 2015

Bigflo et Oli sont-ils prêts à entrer dans la cour des grands ?

Lors d'un round du rap contenders en 2011, Oli annonçait déjà la couleur : ''Jai pas la moitié de leur âge, ils ont pas le quart de mon talent.Venant d'un gamin de 15 ans cela pouvait paraître un brin présomptueux, mais au vu du son que nous propose aujourd'hui les deux frangins on ne peut qu’acquiescer grandement. En ligne depuis quelques jours, le clip de Bigflo & Oli Nous aussi, premier extrait de leur premier album la cour des grands , est une nouvelle pique destinée au rap français...du moins une partie, nul besoin de donner des noms on imagine très bien à qui s'adressent les toulousains âgés respectivement de 22 et 18 ans. 


Ceux qui sont considérés par beaucoup comme la relève du rap français (aux côtés d'autres comme Vald, NemirGeorgio, le groupe 1995 ou le collectif L'entourage) dressent le constat d'une musique devenue insipide et immorale cédant trop facilement aux sirènes du hip-hop commercial. Un sujet maintes et maintes fois abordé ces derniers temps, la nostalgie et le dégommage en règle des rappeurs en carton devenant presque un passage obligé pour asseoir sa crédibilité dans le rap game. 


Preuve en est Public Enemy le titre de Youssoupha sorti y a quelques semaines, que j'ai trouvé très moyen au passage, mais dans lequel on retrouve cette phase : "Ce putain d'rap, j'le pratique un canon sur la tempe/Ok je brille dans on domaine, ma vie est douce/Vu qu'en c'moment ils posent tous sur les mêmes instru' trap de merde." 




Alors même si c'est jouissif (et un peu facile) de descendre le rap nourri à la trap music et à la dubstep, est-ce pour autant légitime de le faire ? Faut-il se demander à tort ou à raison si le rap c'était vraiment mieux avant ? 

À cette dernière interrogation, nombreux serait tenté de répondre que "oui bien sûr que c'était mieux avant, comment peut-on, ne serais-ce que comparer NTM, IAM, Mc Solaar, Arsenik ou Lunatic à la merde que l'on nous chie quotidiennement à la gueule ?" Et je répondrai que oui, il y a énormément de daubes qui circulent de nos jours mais qu'il ne faut pas avoir un avis aussi tranché sur l'état du rap actuel, cela mérite une meilleure réflexion et une analyse un peu plus poussée, ça sera peut-être le sujet d'un prochain article...pour le moment revenons à Bigflo & Oli.


Avec Nous aussi, les deux jeunes frères se montrent créatifs et nous offrent, comme à leur habitude, un bon petit clip, bien travaillé, ultra-référencé avec toujours cette pointe d'humour qui prouve bien qu'ils ne se prennent pas au sérieux et ce, malgré le message qu'ils délivrent, rien à dire c'est propre. Avec ce morceau, Bigflo & Oli confirment leur talent et tracent leur chemin jusque dans "la cour des grands", reste à savoir si ils y resteront...début de réponse le 1 er juin jour de sortie de leur album.


En attendant vous pouvez toujours écouter leur premier EP Le Trac sorti il y a un an, porté par des singles comme Jeunesse influençable, Gangsta ou encore le très bon Monsieur Tout Le Monde dont on voici le clip ci-dessous avec Kyan Khojandi (le mec de bref) en guest.